AH, ce n'est pas ici de la grande histoire, ah
AH, ce n'est pas ici de la grande histoire, ah non, c'est l'histoire vécue d'un ouvrier, au nom de tous les autres, travaillant dur à la construction d'un monde meilleur pour ses enfants, gagnant chaque sou ou franc à la sueur de son front, prolétaire n'ayant que sa force de travail pour vivre et faire vivre sa famille. Mais, attention, pas de misérabilisme, non, de la fiertè malgré la dureté: ici aussi de la belle ouvrage, une seule valeur qui vaille "celle du travail pour gagner sa croûte".
"Ajusteurs, fraiseurs, tourneurs, entre écrous et plaques de protection, ils vivaient entre eux la triomphante rationalité de l'automatisation. Cloisonnés comme l'étaient leurs postes, ils passaient le plus clair de leur temps à l'abri du jour et des courants de la vie, en retrait, occupés à ne pas faiblir pour ne pas perdre pied, chapeautés par des chefs, attachés à des quotas mouvants de pièces à fournir pour obtenir une prime (...).
Les ouvriers que je voyais alors ne parlaient pas beaucoup. Les hommes en générale étaient réservés. Les ouvriers sortaient à heure heure fixe du même oubli d'eux-même, chaque jour, d'un lieu tenu serré dans l'ombre et la contraignante atmosphère des cuissons, pris au revers d'une tâche marginale,rendue obligatoire. On vivait d'une existence caoutchoutée faite de liens, de liants, de jantes amovibles, de semelles et de bandes de roulement cloutées, d'alliages, de fil de fer, de torsions, d'inviolables secrets de cuisson, de colles et d'élastiques".